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Le Cinq Mai

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Le Cinq Mai

(Translation by Yves Branca [1] )

Il n'est plus. Tout comme, immobile,

apres le dernier soupir,

resta le corps sans connaissance

vidé d'un si grand souffle,

de meme, abattue, interdite,

reste, a cette annonce, la terre,

muette, pensant a la derniere

heure de cet homme fatal;

et ne sait si jamais semblable

vestige de pied mortel

sa poussiere imprégnée de sang

fouler encore viendra.

Lorsqu'il fulgurait sur le trône,

le vit mon esprit, et se tut;

quand, frappé d'un sort obstiné,

il chut, ressurgit, s'abattit,

au vacarme de tant de voix

je n'ai pas melé la mienne[2]:

pur de servilité flatteuse

et de lâcheté outrageuse,

il prend l'essor lorsque soudain

s'éteint tant de rayonnement;

et vers l'urne il libere un hymne

qui peut-etre ne mourra pas.

Des Alpes jusqu'aux Pyramides,

du Manzanares au Rhin,

de cette sureté la foudre

succédait sitôt a l'éclair;

frappa de Scylla jusqu'au Don,

de l'une a l'autre mer.

Fut-ce vraie gloire? A nos neveux

l'ardue sentence: pour nous,

courbons le front vers le Supreme

Auteur, qui voulut en lui

de son esprit créateur

marquer une plus vaste empreinte.

La tempétueuse, l'inquiete

joie d'un grand dessein,

l'angoisse d'un coeur indocile

qui sert, mais qui aspire au trône;

et l'atteint, et saisit un prix

qu 'il était folie d 'espérer;

Il éprouva tout, lui: la gloire

plus haute apres tant de périls:

la fuite, et puis la victoire[3],

le regne encor, le triste exil:

deux fois tombé dans la poussiere,

deux fois monté sur l'autel.

Il dit son nom: deux siec1es,

l'un contre l'autre armé,

soumis vers lui se tournerent,

comme en attente du Décret[4];

lui fit silence, et en arbitre

il vint s'asseoir au milieu d'eux.

Et il disparut, et ses jours oisifs

ferma dans ces rives bornées,

mire d'infinie rancune,

et de pitié profonde,

d 'inextinguible haine

et d'indomptable amour.

Comme sur la tete du naufragé

l'onde tourbillonne et l'enfonce,

l'onde ou tantôt le malheureux

dominait d'un regard intense,

la parcourant pour discerner

des proies lointaines vainement;

ainsi sur cette âme la nuée

des souvenirs descendit!

Ah, que de fois a nos neveux

il voulut se conter lui-meme,

et sur ces pages immortelles

retomba sa main lasse!

Ah, que de fois, dans la muette

mort d'une journée inerte,

inclinant ses rais fulminants[5],

les bras croisés sur sa poitrine,

il s'arreta, des jours passés

assailli par le souvenir!

Et il repensa au lever

des camps, et aux tranchées battues,

a l'étincellement des armées,

aux vagues de cavalerie,

a l'impétueux commandement,

a la rapide obéissance.

Las! Peut-etre qu 'un tel martyre

abattit son esprit d'angoisse,

et qu 'il désespéra; mais puissante

vint a lui une main du ciel

et dans des airs plus respirables

par sa pitié le transporta;

et l'envoya parmi les fleurs

des beaux sentiers de l'espérance,

aux champs éternels, vers le prix

qui tous les désirs devance,

la ou est silence et ténebres

cette gloire qui passa.

Belle immortelle! Bienfaisante

foi au triomphe accoutumée!

Ecris encor celui-ci, réjouis-toi;

car plus orgueilleuse hauteur

vers l'infamie du Golgotha

jamais ne s'inclina.

Foi, de ces cendres fatiguées

chasse toute ignoble parole:

le Dieu qui terrasse et releve,

qui accable, et qui console

sur cette couche abandonnée

a côté de lui s'arreta.

Juillet 1821

(Ecrit en trois jours par Manzoni, aussitôt qu'il eut appris la

nouvelle de la mort de Napoléon, par la "Gazette de Milan".)

[1] Yves Branca, of Sicilian ancestors, was born in Paris. He taught French in China and is the author of a valuable translation of The Betrothed Lovers, published by Gallimard with a preface by Giovanni Macchia in 1995. Lo ringraziamo vivamente per questo suo inedito essai de traduction. A sua volta l'Autore ringrazia Donatella Donati per le sue preziose osservazioni.

[2] Pour rendre ces deux strophes en français, j'ai du éviter de répéter 'mon esprit'. Ici, littéralement: "il (mon esprit) n'as pas melé la sienne"

[3] Ici, en récitant, diphtonguer nettement: fu-ite.

[4] En italien, "fato", qui correspond quasiment au latin "fatum" et n'a jamais de traduction satisfaisante en français. Originellement, c'est l'oracle; ici, le décret de la Providence.

[5] Manzoni avait pu voir d'assez pres Napoléon a Paris. L'éclat de son regard l'avait frappé a jamais.

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